Ordonnance de référé du 21 janvier 2021 n°20/55750 – Tribunal judiciaire de Paris

En l’espèce, par acte du 23 décembre 2019, un bail commercial à destination de « restauration italienne sur place et à emporter » a été conclu entre les parties.

Au début de l’année 2020, le preneur a fait réaliser des travaux d’aménagement. Puis, compte tenu du premier confinement, le restaurant n’a pas pu ouvrir. Dans un premier temps, le bailleur a accepté de réduire de 50% le montant du loyer sur la période du 15 mars au 22 juin 2020. Dans un second temps, après la réouverture du restaurant, le preneur a continué à solliciter des réductions du loyer mais sans succès. Ainsi, le preneur n’a réglé que partiellement son loyer correspondant au troisième trimestre de l’année 2020. En réponse, son bailleur lui a fait signifier par huissier un commandement de payer visant la clause résolutoire et l’a ensuite assigné en référé.

Le Président a rappelé que : «Le juge des référés doit constater la résiliation de plein droit du bail au titre de la clause résolutoire s’il n’existe aucune contestation sérieuse sur la nature et l’étendue de l’obligation du bail que le preneur n’a pas respectée, sur le contenu de la clause résolutoire en elle-même, et sur la façon dont le bailleur la met en œuvre. Il est par conséquent nécessaire que :

  • Le bailleur soit en situation d’évoquer de bonne foi la mise en jeu de cette clause ;
  • La clause résolutoire soit dénuée d’ambiguïté et ne nécessite pas interprétation ;
  • Les obligations du bail dont la violation desquelles la clause résolutoire est la sanction ne soient l’objet d’aucune contestation sérieuse du preneur quant à leur charge et à leur étendue. »

En outre, il a précisé que « L’exception d’inexécution soulevée par la preneuse de ses obligations issues du bail doit être étudiée à la lumière de l’obligation pour les parties de négocier de bonne foi les modalités d’exécution de leur contrat en présence des circonstances précitées, et non à la lumière du respect par le bailleur de son obligation de délivrance, qui ne fait pas ici de doute puisque le local était opérationnel, ouvert au public, et que l’activité prévue au bail pouvait s’y dérouler.»

Le Juge des référés a ainsi été amené à se prononcer sur l’imprévision prévue par l’article 1195 du Code civil en prenant en considération que le preneur « n’a eu de cesse de solliciter des adaptations du montant du loyer à son bailleur, qui lui a accordé une réduction de moitié de celui-ci sur la période de fermeture mais a refusé de lui accorder une réduction de loyer sur la période d’ouverture, en dehors d’une remise de 20% sur le mois de juillet. Des négociations ont donc été conduites, que la société S. a renforcé en saisissant le Tribunal de Commerce d’une demande de conciliation. »

Compte tenu des diligences accomplies par le preneur, le Président statuant en référé a déduit que le preneur « peut sans contestation sérieuse se prévaloir de la survenance des circonstances imprévisibles visées par ce textele maintien des mesures de police pendant la période de réouverture à la charge des restaurants l’ayant empêchée de démarrer l’exploitation de son restaurant conformément à ses prévisions, et d’amortir ainsi le coût des lourds travaux d’aménagement du local commercial engagés début 2020. »

Il s’est donc déclaré incompétent pour statuer sur une adaptation du contrat de bail pendant la période impactée par les mesures de police : « Il appartiendra au juge du fond de déterminer si la société S. peut s’appuyer sur les dispositions de l’article 1195 du Code Civil pour lui demander une adaptation du contrat pendant cette période. Ainsiil ne peut être jugé en référé, compte tenu de l’existence de ces circonstances imprévisibles ainsi que des négociations engagées, que les loyers échus pendant cette période du troisième trimestre 2020 sont exigibles en intégralité, et que par conséquent leur non-paiement peut servir de fondement à une demande d’acquisition de clause résolutoire ».

Il en résulte que le fait que le preneur ait engagé des négociations visant à obtenir une réduction de son loyer pendant le contexte de crise sanitaire et compte tenu de l’existence de ces circonstances imprévisibles, le juge des référés ne peut statuer sur l’exigibilité dans leur intégralité des loyers du troisième trimestre 2020.  Par conséquent, leur non-paiement ne peut pas servir de fondement à une demande d’acquisition de clause résolutoire.

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